NORTON COMMANDO MKIIA 850 1975
A cette époque, le quatorzième anniversaire était synonyme de liberté. Pourquoi ? Car c’était l’âge légal pour conduire un cyclomoteur de 49,9 centimètres cube et surfer sur le réseau routier du vaste monde ( Surf the World Wide Road ! ). Internet n’existe pas encore et, pour beaucoup, le surf c’était la ’’Bleue’’ ou la ’’Chaudron’’ du Pater, sortie du fond du garage, dépoussiérée, bichonnée ou carrément repeinte, pneus regonflés, échappement vidé et, surtout, ’’bobbée’’ comme il se doit, histoire de virer tout le superflu. Tout à coup, un grondement monte de la rue, c’est le voisin qui rentre de l’usine, sur sa COMMANDO. Là, le chiffon s’arrête, la clé de dix reste suspendue au-dessus de la culasse, les yeux se ferment et on s’imagine au guidon de la NORTON, qui déjà, en 1974, appartenait à une espèce en voie de disparition, celle du bicylindre, quatre temps, au rugissement puissant et grave, chassé par le miaulement plaintif des moteurs deux temps Nippons, torturés par la torsion du cadre, dès qu’on approche leurs limites.
Dans quelques régions reculées de France, telle que le Comminges, certains puristes, comme on les aime, ont continué longtemps a narguer ces félins asiatiques, en démontrant, dans les courses locales, que leurs Anglaises de série sont encore loin d’être égalées.
En matière technique ou historique, tout a été écrit sur la COMMANDO, mais les légendes urbaines restent tenaces : ’’C’est fragile, c’est pas fiable, ça pisse l’huile, ça freine pas, ça vibre, le système Isolastic est un cauchemar à régler, le circuit électrique LUCAS est le prince des ténèbres, et patati, et patata’’. Mais, un rêve de môme reste un rêve de môme. Et, le jour où on a l’occasion de rencontrer un de ses propriétaires, fidèle parmi les fidèles au vertical twin, la messe est… dite.
Donc, nous voici, quarante ans après sa première mise en circulation sur le sol Français, quasiment jour pour jour, en présence de la seule 850 MK II A vendue par XXXXXX, le concessionnaire de Saint Gaudens, dans son ’’jus’’ d’origine, au passé sportif, mais restée dans sa livrée ’’civile’’.
On est loin d’un état neuf, c’est normal, elle a les rides, les cicatrices et les marques d’une utilisation quotidienne. C’est bien, c’est exactement ce qu’elle va continuer à faire : transporter son troisième pilote à l’usine, ni plus, ni moins.
Sauf que… Dès qu’on a gouté au plaisir de sa conduite, on la garde le week-end pour continuer à en profiter jusqu’à plus soif.
Alors, oui, il y bien eu deux pannes en 5000 km : un antiparasite usé par le contact avec le couvre culbuteur s’est percé. On glisse un bout de plastique entre les deux et on rentre. Le porte fusible s’est dévissé, on le vire, une épissure et c’est reparti.
Mais… rien ne remplace le plaisir de se faufiler dans les embouteillages et de se régaler au son d’un moteur plein, rond et rauque, en rentrant de l’usine, sous les yeux des enfants du quartier…